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Paris s’éveille

dimanche 21 février 2016, par Sébastien Bourdon

On ne va pas se mentir, les drames récents n’ont pas pour autant fait de votre serviteur un fanatique des Eagles of Death Metal. On persiste à trouver leur production discographique, trop vaguement hard-rock, linéaire et un peu barbante à la longue.

Hasards des violences de l’histoire, ce combo californien est pourtant devenu l’emblème d’une forme de résistance à la brutalité terroriste. Il est vrai que rejouer, à Paris, trois mois après le massacre du Bataclan, cela ne manque pas d’allure. Et d’ailleurs, ça en avait pas mal, à voir les images de leur arrivée sur la scène de l’Olympia, en légitimes triomphateurs du crime.

Comment ne pas frissonner en effet face à une telle victoire de la vie ? Sur You Tube, un internaute écrivait que, devant ces images, s’il avait été terroriste, il aurait été sérieusement déprimé. De fait, nos penchants naturels nous faisant verser du côté de ceux à qui ils ne viendraient pas à l’idée de remplacer la mélomanie par une envie de tuer, on s’est senti sacrément revigoré par cet enthousiasme populaire, entre rires et larmes.

Evidemment, parce qu’il en est toujours pour décrier, de nombreux médias se sont rapidement rués sur les déclarations à l’emporte-pièce de Jesse Hughes, leader du groupe. Et a ainsi été découvert, miracle du journalisme contemporain, que ce garçon n’était pas franchement un saint et qu’en plus, il était capable d’asséner pas mal de sottises, notamment sur la nécessité pour tout un chacun de posséder une arme sur soi. Il en a même encore rajouté récemment une couche, reprenant les propos de l’idiot utile Trump, affirmant que si les spectateurs du Bataclan avaient été armés, les terroristes n’auraient pu commettre un tel carnage.

On peut se permettre de croire que si tous avaient dégainé une arme dans un espace aussi confiné, il n’y aurait pas forcément eu moins de morts, mais ce serait entrer dans un débat idiot et peu constructif. La réalité est que l’on s’entretue quand même moins facilement dans les pays où il est difficile de se procurer une arme à feu. Mais, surtout, il faut voir et entendre l’interview du sieur Hughes. Il déclarait cela les larmes aux yeux, l’air un peu perdu, état dans lequel il doit être depuis un certain treize novembre. Nulle posture idéologique hautaine, seulement une infinie tristesse devant tous ces morts inutiles et incompréhensibles, avec le cerveau qui tourne en boucle sur le traumatisme.

De toute façon, on n’est pas obligé de partager ses idées, ses convictions, et même on peut se passer d’écouter ses disques. Il n’en demeure pas moins qu’il est entré debout dans Paris et que la foule s’est levée avec lui, refusant de ne pas croire encore à des soirées qui dansent en attendant des matins qui chantent.

« O genre humain ! Lumière et nuit ! Chaos des âmes » (Victor Hugo, prologue à « L’année Terrible »).

Aurélie et les siens n’ont pas voulu manquer la reprise de ce concert inachevé par le crime (http://www.soundsmag.org/Chronique-d-une-mort-esquivee) et, une fois de plus, elle vous le raconte avec ses mots, ci-après.

Sébastien

Les Eagles of Death Metal reviennent à Paris, à l’Olympia, le 16 février 2016, pour finir le concert commencé le 13 novembre 2015, nous sommes invités.

« Vous y allez ?! » - « Oui »
« Toi aussi ?! » - « Oui, moi aussi ! »
« Tu es sûre ? C’est de la folie ! Tu as raison ! Mais pourquoi tu y vas ? Moi, je n’irais pas…moi non plus… Cela sera super difficile ! Pfffff…. Je ne sais pas comment tu fais… c’est bien ce que je pensais… Bravo ! Rien ne t’arrête… T’en rates pas une toi !!! Ça va être dingue… »

Mardi 16 février 2016, 19 heures 30, nous arrivons boulevard des Capucines, nous sommes quatre cette fois-ci.

Nous franchissions trois barrières de sécurité pour entrer dans le hall de l’Olympia et croisons des silhouettes, des visages, des regards, des sourires : « Je le connais ce type là ! Et la fille à côté, on ne l’a pas déjà vue quelque part ? Le barbu là-bas au fond, il ne te dit pas quelque chose ? Et le gars qui me sourit »

On se connait ?
Non.
Mais on se reconnait !
Il était à ma droite, elle était juste derrière toi.
C’est bon de se revoir.

Après avoir savouré la traditionnelle binouze au bar, nous rentrons dans la salle, non sans une petite pointe d’appréhension pour ma part. C’est la première fois que je retourne à un concert.

Instinctivement, nous filons tous les quatre sur le côté et retrouvons notre place habituelle à gauche de la scène.

Nous y sommes !!

Le concert tarde à commencer, quelques minutes certes, mais elles sont longues ces quelques minutes. Jess Hughes doit être pétrifié dans les coulisses, cela doit être terrible pour lui, et s’il flanche ? Ou n’arrive pas à monter sur scène ? Alors nous l’acclamons, l’encourageons…

Puis, une mélodie familière retentit dans la salle : « Je suis le dauphin de la place Dauphine, Et la place Blanche a mauvaise mine »

Les voici !!!
La foule hurle de joie !!! Bravo !!! Ils l’ont fait ! Ils sont là !! Quel courage !!
Jess Hughes porte une cape de Père-Noël catcheur.
Je reste sans voix.

« Il est cinq heures, Paris s’éveille, Paris s’éveille… »

Il retire sa cape, et nous le retrouvons comme il y a trois mois, avec une rage de vivre extraordinaire. Il arpente la scène de long en larmes, de large en joie, saute, crie, couvre le public de baisers. Ce soir, ce n’est plus le Diable qui nous embrasse.

« Les amoureux sont fatigués, Les gens se lèvent, ils sont brimés…
Il est cinq heures, Paris s’éveille, Paris se lève… »

Il est 21 heures 10, Paris se relève !!!

« I love you so much, motherfuckers ! So glad to see you all here tonight ! »

Nous aussi, on n’est pas mécontent de te revoir vieux !

Cet instant est beau, intense, unique, magique.

Puis un grand coup de gratte et le ton est donné ! Les morceaux s’enchainent durant deux heures et demie, les uns après les autres, le sol vibre sous les sauts d’un public en délire, ça chahute, ça pogote au premier rang. Le groupe nous offre tout ce qu’il y a de meilleur, du Rock’ n Roll !!! De l’humour, de l’amour, de l’émotion, du son.

Mais aussi une guitare tricolore, et le titre « Wannabe in L.A » qui devient « Wannabe in Paris ».

Au moment du rappel, Jess Hughes disparait de la scène pour réapparaitre quelques secondes plus tard au balcon, au milieu du public avec sa guitare pour jouer un duo grandiose avec Dave Catching.

Puis il revient finalement sur scène, salue chaleureusement les musiciens, la salle, remet sa cape et nous quitte. Le concert est fini.

Le type qui me souriait au début du concert vient m’aborder : « Vous étiez au Bataclan à la même place dans la salle ! Vous êtes des fétichistes de cette place ? »

« On ne change pas une équipe qui gagne ! »

Aurélie

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