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No one loves me neither do I

Them Crooked Vultures, le Zénith 8 juin 2010

samedi 12 juin 2010, par Sébastien Bourdon

Le matin même du concert, j’ai croisé rue du Faubourg Saint Honoré un type qui sortait les poubelles avec un tee-shirt Led Zeppelin. Le Dirigeable de Plomb allait flotter sur cette journée, à n’en pas douter.

C’est quoi Them Crooked Vultures ? Rien que des vedettes, un super groupe comme on les chérissait dans les années 70. Un batteur chanteur, Dave Grohl, (Nirvana et Foo Fighters), un guitariste chanteur, Josh Homme (Kyuss, Queens Of The Stone Age), un bassiste clavieriste arrangeur, John Paul Jones (Led Zeppelin) et un guitariste, Alain Johannes (Eleven, Queens Of The Stone Age et j’en passe).

Ces gars là ont participé de manière essentielle à au moins trois groupes majeurs de l’histoire de la musique, de ma musique. L’été de mes 19 ans, je suis parti en Charente-Maritime dans la Clio de ma mère. Ledit véhicule n’était pas équipé de matériel hi-fi, alors j’avais posé un vieux radio-cassette sur la plage avant et, profitant d’une promotion chez Continent, j’avais acheté pour approvisionner cette machine sur l’autoroute : Led Zeppelin I, Led Zeppelin II et Led Zeppelin IV (mais aussi le premier Rickie Lee Jones et LA Woman des Doors). Ma joue rougit toujours de la baffe prise à cette occasion. Led Zeppelin, la rencontre d’une vie.

S’agissant de Nirvana, je me souviens encore du rond-point où j’ai entendu à la radio pour la première fois Smells Like Teen Spirit. La déflagration semblait venir d’un autre monde. Et puis ce batteur, cette frappe implacable, brutale et précise. Après la disparition de Nirvana, Dave Grohl délaissa quelque peu ses fûts pour prendre une guitare et chanter de la power pop avec les Foo Fighters, démarche certes sympathique, mais tout impeccable showman qu’il soit, c’est quand même derrière un kit qu’il reste le plus impressionnant (le projet Probot ou sa courte visite aux Queens Of The Stone Age avec l’album Songs For The Deaf dans de telles fonctions en furent la parfaite illustration).

Enfin, je me souviens notamment des grèves de l’hiver 95 avec Welcome To Sky Valley de Kyuss, marchant sur la neige fraîche tombée sur le champ de Mars. Et puis un été 2000 magique avec Rated R des Queens Of The Stone Age.

Bref, d’un pas sûr, je me rendais à un rassemblement d’idoles.

Magie des portables (que dis-je, des I-Phones !), nous réunissons notre aréopage de banquiers et d’avocats et pénétrons un Zénith plein comme un œuf. On est encore dans les coulisses que la chaleur est déjà intense. Garçon prudent que je suis, vous me connaissez, je m’empresse de m’acheter un tee-shirt, histoire de pouvoir me changer, convaincu que je sortirai de là trempé. Et je ne me trompais pas.

Dès le premier titre, « No one loves me, neither do I », à partir du pont, je ne m’appartiens plus, comme soulevé par la batterie de Grohl, je rejoins la folle agitation des premiers rangs. Bienvenue dans la sueur et le rock n’ roll.

Avec un seul album au compteur, et le parti-pris de ne rien jouer de leurs carrières respectives, les TCV vont arriver à nous servir un enthousiasmant concert de près de deux heures. Interprétant quelques inédits – vous pourrez acheter le prochain album, il sera très bien – et envoyant dans la stratosphère les titres du disque éponyme, ils nous servent le concert parfait. De l’humour, de la décontraction, de la puissance, de l’improvisation (on se serait cru parfois à un concert de Weather Report), et de la joie. Beaucoup de joie. Et de la musique.

Contents d’être là, contents de nous voir, le groupe, devant un public acquis à une musique pourtant parfois alambiquée dans laquelle n’émergent pas forcément de réels tubes (mais de sacrées envolées), était clairement dans le plaisir et ces choses là sont communicatives.

Josh Homme est notre Elvis, John Paul Jones est notre père (64 ans au compteur) et Dave Grohl est mon meilleur ami. Depuis le clip de Nirvana de « Smells Like Teen Spirit » (1991), j’ai écouté tout ce qu’il a pu faire derrière une batterie (de Tenacious D à Killing Joke en passant par Cat Power), compulsé frénétiquement des DVD, des liens sur You Tube, à chaque fois il m’a émerveillé. La batterie est instrument dans lequel il rentre tête la première, assénant des coups qui transformeraient n’importe quel tas de bûches en petit bois, sans jamais oublier de férocement groover. Du coup, quelle ne fut pas ma joie de le voir rejoindre en tant que batteur ce groupe de héros, publiant même au passage un disque extraordinaire l’an passé.

Restait à voir tout ça en live car, Dave Grohl, je ne l’avais vu en concert que comme chanteur et guitariste des Foo Fighters, au Bataclan, voilà quelques années. Et hier soir, le temps était venu. Si j’exagérais (est-ce mon genre, je vous le demande ?), ce fut presque aussi beau que la première fois que j’ai vu une poitrine féminine autrement que dans un magazine. Je n’ai pas de mots, il a été au-delà de la hauteur, les sommets l’ont vouvoyé.

L’on pourrait se demander comment un groupe parvient à exister à côté de cette bête. Ce ne fut nullement un souci, au-delà du talent de ces extraordinaires individualités (Homme gratte sa guitare et chante comme un dieu, il faut bien le dire), ils jouent ensemble, complètement à l’écoute, propulsés par chacun.

A l’issue de l’extraordinaire envolée lyrique et acide qu’est « Spinning in Daffodils », John Paul Jones a posé sa basse et rejoint ses claviers pour jouer en solo quelques digressions blues et jazz. Les trois autres, plongés dans une obscurité seulement trouée de la braise rougeoyante de leurs cigarettes, se sont assis et, comme nous, ont écouté avec délectation le récital de leur compère.

Très logiquement, lors de la présentation de chacun des musiciens, j’ai rarement entendu une telle ovation du public, on en a même senti nos musiciens comme touchés et gênés de cette extatique admiration.

Un bémol toutefois, comme trop souvent, le son n’était pas à la hauteur. Fort bien équipé d’un matériel acquis dans un magasin de sonotones, je n’en ai pas trop souffert. Mais, il en fut pour solliciter que « l’ingénieur du son soit pendu haut et court et la tombe de l’architecte du Zénith profanée ». Les métalleux sont parfois excessifs, mais toujours délicats.

Alors que nous marchions dans la fraîche obscurité, rejoignant le parking, ma chère et tendre m’a dit avoir été fort émue par les Them Crooked Vultures. En effet, me dit-elle, de tous les concerts où elle ait pu se rendre, c’est la première fois qu’elle voyait sur scène une communauté de musiciens qui lui faisait autant penser à feu le groupe de son époux. Cela m’est évidemment allé droit au cœur.

Sébastien

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