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Mambo Miam Miam

Zorn / Gainsbourg

jeudi 26 février 2009, par Sébastien Bourdon

John Zorn était bien entouré pour rendre hommage a Serge Gainsbourg. Voila un concert qu’il ne fallait pas rater !

Sean Lennon, à peine « l’homme à la tête de chou » joué, nous fera part dans un français charmant de son plaisir d’être à Paris, pour Serge, avec peut-être les meilleurs musiciens du monde. Attachons-nous au dernier morceau de phrase, parce que c’est exactement ça dont il s’agit.

John Zorn déclarait souvent au cours d’interviews ne pas vouloir jouer en France, considérant que notre beau pays était par trop antisémite. Il faut croire qu’il a changé d’avis puisque en moins d’un an, furent assurées deux prestations à Pleyel (et une semaine entière dans différentes salles parisiennes, sans compter Marciac l’été dernier, sauf erreur). Ce soir, c’est un peu particulier, Zorn ne jouant pas et étant même absent de la scène, sauf pour le dernier morceau. Le label de Zorn, Tzadik (« Great Jewish Music »), avait publié en 1997 un album de reprises de Gainsbourg (collection « Great Jewish Composer »), sur lequel on croisait, au sein d’interprétations très libres, les habitués du label, certains présents hier soir (le guitariste Marc Ribot, le percussionniste Cyro Baptista...) mais aussi des compagnons de route fidèles mais occasionnels, tels Mike Patton (hélas absent à Pleyel) ou Sean Lennon.

Le but de la soirée était donc, dans sa ville, de rendre un hommage à Gainsbourg avec certains des musiciens présents sur le disque. Si on raccourcit, c’était un peu « New York meets Paris ». Et c’est avec délices que je me préparais à plonger à nouveau dans le bain bouillonnant de musique, déjà expérimenté, amis lecteurs, au mois de juin dernier.

Je ne fus pas déçu, dès l’arrivée sur scène de Cyro Baptista et de son Banquet of the Spirits, la musique nous a littéralement envahis. Zorn s’entoure de gens qui transpirent la musique et le percussionniste brésilien en est l’un des exemples les plus criants. Physiquement, son arrivée sur scène nous enchante, nous ravit. Il a habilement et parfois sauvagement déconstruit « Là-bas c’est naturel » (chanté avec l’accent brésilien, c’est évidemment délicieux), « Airport » et « Melody Nelson ». Déjà, être assis nous pesait et nous ne pouvions que crier notre joie d’être là alors que tout nous invitait à plonger sur la scène pour danser avec eux.

Après une telle introduction, Zorn avait choisi d’envoyer les Elysian Fields pour changer radicalement d’ambiance. La très gracieuse Jennifer Charles (remember « Lovage », avec Patton et Dan The Automator, les amis ?) nous livra des interprétations langoureuses des « Amours perdues », « Bonnie & Clyde » et « Mister Iceberg ». Là encore, ce fut court, mais surtout quelque peu sage pour un concert de Zorn (cruellement, un camrade évoquera une prestation à la limite de Taratata). Il était temps de revenir à des choses plus consistantes.

Marc Ribot monte sur scène et c’est l’ovation. Là encore, un homme musique. Accompagné des Ceramic Dog et de la très séduisante Eszter Balint (chant, violon), le guitariste ramena un peu de cette étrangeté et de cette violence sourde qui fait la beauté des concerts Tzadik (sadique ?). Eszter Balint quant à elle fournit la sensualité nécessaire à la musique du grand Serge. L’entendre dire langoureusement sur le titre « Un poison violent », « effusion de sang » avant un solo de Ribot, c’était simplement jouissif. « Black Trombone », peut-être ma chanson préférée de Gainsbourg, m’a tiré des larmes.

Et puis parce que fut bien trop court hélas, dernier set avec l’arrivée de Sean Lennon et de quelques amis plus ou moins déjantés pour : « fuir le bonheur de peur qu’il ne se sauve » (je ne me lasse pas de prononcer le titre de cette chanson), « l’homme à la tête de chou » et « Comic Strip ». Prestation plaisante, mais là encore un peu sage, même avec la présence de Marc Ribot et d’un batteur un peu énervé (Ches Smith). Mais Sean Lennon a de la classe (il a toujours revendiqué son amour immodéré de Slayer et a même collaboré avec Max Cavalera sur un album de Soulfly, des trucs qui me parlent !) et son groupe contenait de sacrés pointures (notamment le multi-instrumentiste Shahzad Ismaily, également membre de Ceramic Dog). Il a formidablement et sans complexe fait de la beat-box et rapé sur un fabuleux « Comic Strip ». Juste un aparté sur la choriste Charlotte Muhl Kemp, mannequin et compagne de Sean Lennon, qui valait son pesant de caouètes (l’ami) dans son genre « comment je le sais que je suis trop bonne et que je bouge tout le temps mes cheveux en mâchant du chewing-gum ».

Et puis Zorn est enfin monté sur scène (en pantalon de treillis naturellement) pour diriger et chanter « Contact » avec l’ensemble des musiciens ayant joué ce soir. Là encore, difficile de rester sur son siège, l’envie de se joindre à la fête, physiquement, était très forte. Et puis salutations joyeuses et départ. Les lumières se rallument, les bourgeois quittent déjà la salle pour un taxi ou l’espoir de quitter vite le parking de l’avenue Hoche. Mais voilà, on ne s’est pas laissés faire comme ça, nous avons crié notre réprobation, et l’ensemble des musiciens a bien fini par réapparaître pour un mambo déchaîné qui a maintenu debout et dansant une partie de la salle, votre serviteur inclus.

Gainsbourg disait « je connais mes limites. C’est pourquoi je vais au-delà ». Définition de la soirée et même projet de vie.

Le lendemain matin, je me suis remis sur la platine le « Zénith de Gainsbourg » de ma dernière année de lycée (1989 !). Brrrr, ça a affreusement vieilli. Heureusement, il reste des américains pour maintenir en vie la musique de cet immense compositeur qu’était Gainsbourg. Il revient quand Zorn, parce que là, ça vire pour moi à la drogue dure.

Sébastien

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