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L’ère du vide

mercredi 8 janvier 2014, par Sébastien Bourdon

On ne peut pas tout voir, du coup, je trouve qu’il est de bon ton de sélectionner arbitrairement ce qui justifiera le déplacement, sur le seul fondement de ses appétences personnelle, en n’hésitant surtout pas, oh suprême sacrilège, à fortement débiner sans avoir vu (c’est plus drôle).

Ainsi, en 2013, tout le monde a vu « Intouchables » (Toledano-Nakache), puisque tout le monde l’avait déjà vu en 2012, et en 2011. Je me suis évidemment empressé de dénoncer ce succès populaire comme étant forcément un navet. Quand les gens se ruent en masse dans les salles obscures, cela m’inquiète. Mais, finalement, mes enfants sous le bras, j’ai fini par le visionner, sans doute animé par l’esprit de Noël qui règne à la fin de chaque mois de décembre. Si l’on veut faire court, on pourrait dire qu’on y trouve indéniablement une bonne tranche d’humanité, mais une absence totale d’intention cinématographique. C’est sans doute ce qui explique son succès, c’est de la bonne télévision, on ne risque donc pas d’être effrayé par l’ampleur du projet.

J’ajouterai quand même qu’il est occasionnellement difficile de ne pas être parfois ému ou de se retenir de rire (oui, j’ai un cœur d’artichaut devant les navets). Mais tout cela ne justifie pas de s’asseoir à côté de mangeurs de popcorns. Surtout, alors que ce film débine en vrac les diplômes, la musique classique, l’art contemporain, il ne s’attaque surtout pas à l’argent (on ne sait d’ailleurs même pas d’où il vient) et à sa représentation immobilière ou automobile. Définitivement dans le triste air du temps, bien dissimulé derrière un message de tolérance envers le handicap, il préfère les excès de vitesse sur le périphérique aux soirées à l’opéra. Cela le rend tout de suite moins sympathique.

Profitant de ce temps libre, après avoir revu quelques pépites (« The Party » de Blake Edwards, « L’impossible Monsieur Bébé » de Howard Hawks…), je me suis ensuite projeté un film a priori plus attrayant, « Drive » de Nicolas Winding Refn (2011). Je ne m’attendais pas forcément à grand-chose, autant vous dire que je n’ai pas été déçu. Sur une trame pour le moins éculée (le mauvais braquage au mauvais moment), nous suivons les aventures d’un garçon aussi ténébreux que silencieux (Ryan Gosling), qui répare et conduit des voitures, pour des tournages de films comme pour des braquages.

Notre héros (au sourire si doux) voit un jour son existence bouleversée lorsqu’il tente de tirer de l’embarras la femme d’un repris de justice et son petit garçon. Alors que le film suit son cours sanglant, l’on peine à comprendre comment ce joli garçon au charisme de Bifidus (actif quand même) puisse avoir de telles poussées de violence envers la mafia locale pour une créature aussi peu gracieuse que Carey Mulligan (alors que l’ultra gironde Christina Hendricks pourrait éventuellement plus justifier de tels débordements), mais on se laisse néanmoins benoitement porter par l’histoire, sans lui trouver toutefois grand intérêt. Plus que l’âme, l’œil est tour à tour charmé par d’assez belles scènes contemplatives, pour être ensuite secoué par des surgissements de brutalité à faire rosir Martin Scorcese.

Las, aussi beau que cela soit à voir, c’est tout de même un peu creux. Cette sensation est aggravée par l’autosatisfaction que semble trouver le réalisateur à faire de l’esthétisme à tout crin. On ne sent pas l’accident dans la création, tout est lisse, à l’image de l’interprète principal (Ryan Gosling, le chéri de ces dames). Ce dernier pousse d’ailleurs son jeu hiératique à l’extrême, jusqu’à même disparaître dans une longue scène sous un masque qui évoque curieusement le Fantômas d’André Hunebelle.

Ne m’en veux pas, ami lecteur (si tu existes), je vais encore conserver un peu mes idées préconçues, elles me vont bien au teint (certes un peu pâle).

Sébastien

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