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In the paralytic nursery of bygone fears

Steve Hackett Band – La Cigale, le 9 octobre 2011

vendredi 14 octobre 2011, par Sébastien Bourdon

En cette rentrée 2011, cela ne vous a peut-être pas frappés, chers lecteurs, mais le rock progressif est en vogue et nombreux sont ceux qui semblent se revendiquer de King Crimson, ramenant sur le devant de la scène la machine à musique du guitariste anglais Robert Fripp.

Si vous en doutez, posez donc une oreille attentive à deux productions toutes récentes (et remarquables), le dernier album d’Opeth (Heritage) et le deuxième album solo du leader des Porcupine Tree, Steven Wilson (Grace for Drowning).

Bref, le progressif est à la mode (en ce qui me concerne, il ne m’a jamais quitté) et la bonne nouvelle est que l’on parle ici du vrai et du bon, et pas d’abominations sonores comme Dream Theater. Il s’agit ici d’une musique qui puise ses influences dans le jazz et le rock des années 70 et c’est ainsi que l’on retrouve sur l’album d’Opeth le percussionniste de Weather Report, Alex Acuna. De la même manière, sur l’album de Steven Wilson également évoqué, on peut entendre la guitare aérienne et acérée (ou l’inverse) de Steve Hackett. Ce qui nous amène à ce concert d’octobre, narré ci-après (si toutefois tout le monde n’a pas déjà décroché avec cette entame riche en noms d’artistes pointus et abscons – pour certains).

Deux ans après sa superbe visite à l’Alhambra, le guitariste anglais, surfant sur un succès mérité, revient cette fois à la Cigale, armé au surplus d’un nouvel album (un double, Beyond the Shrouded Horizon), qui ne sera pourtant pratiquement pas joué ledit soir. Le concert sonnait un peu comme une redite de la tournée précédente, c’est là son moindre défaut. Il ne fallait en effet pas bouder notre plaisir, la set-list était sublime, on n’allait pas se plaindre de l’entendre à nouveau, d’autant qu’il y eut quand même quelques belles surprises pour les fans béats – dont je suis (« Watcher of the Skies » !!!).

Tout d’abord, comment ne pas être impressionné par la cohésion du groupe, jouant avec un enthousiasme et une dextérité indiscutables une musique exigeante et subtile. Sur certains titres, au-delà de l’émotion procurée, il me semble appréhender ce qui se passe sur scène comme s’il s’agissait d’un langage directement destiné à mon cerveau. Bref, ça me parle.

Ceci posé, ma voisine de droite, une femme charmante, s’est exclamée, alors qu’ils entraient sur scène, « Mon Dieu, qu’ils sont ringards ! ». On parle ici d’apparence et sur ce thème, difficile de lui donner tort, le look n’est pas furieusement rock n’ roll, on se croirait dans un conseil de classe de Première littéraire dans un lycée de Basse-Bretagne. Mais, une fois les torrents de notes déversés, happés par la musique, on y prête plus guère attention et on regarde fasciné le groupe évoluer sur scène. Et puis, le bassiste Nick Beggs a quand même une touche incroyable avec ses longues couettes blondes et ses lunettes noires. Il ne portait cette fois pas de jupe en cuir, mais un costume sombre du plus bel effet. Au-delà de son look, on pourrait écrire des pages sur ce garçon et sa vélocité musicale. Au-delà de ses sonorités de basse à décoller les moulures de la Cigale, il est capable des arpèges les plus délicats sur son Stick, instrument étonnant (12 cordes) dont il tire des notes sublimes.

Sur ce qui a été joué, l’on ne peut que constater que Steve Hackett focalise ses sets actuels sur ses débuts dans Genesis, ses albums solos des années 70 et sa production récente, les trois pics créatifs de sa carrière en somme, même s’il n’a jamais réellement souffert d’une absence de créativité. Ses derniers albums sont à l’image de ce garçon qui ne rejette rien de son glorieux passé mais qui ne laisse pas enterrer ses œuvres récentes sous une longue et riche histoire. Steve Hackett est vivant, il tient à le faire savoir.

C’est ainsi qu’il reprend évidemment du Genesis, pour ma plus grande joie et celle des spectateurs qui ne manquent pas d’ovationner le surgissement de titres comme « Watcher of the Skies » (raaa lovely), « Horizons », « Blood on the Rooftops », « Carpet Crawl » et autre « Fly on the Windshield/Broadway Melody of 1974 ». En plus, il n’en joue pas des extraits mais l’intégralité, généralement chantés par le batteur Gary O’Toole qui, il faut bien le dire, fait très bien le boulot (en plus, contrairement à Phil Collins, qui quittait son set pour chanter, il assume les deux tâches simultanément).

Mais c’est à ce propos que ma voisine de droite trouve encore à redire. Quand bien même Hackett dispose d’une indéniable légitimité pour interpréter ces vieux titres de la Genèse, cette dernière trouve que cela un peu comme des reprises et elle le préfère donc dans l’interprétation de ses œuvres à lui. C’est ainsi qu’elle a préféré frissonner sur « Shadow of the Hierophant » (sublimement chanté par la guitariste Amanda Lehmann) ou « Fire on the Moon ». Cela se discute, car si j’ai pu voir avec beaucoup de plaisir dans la même salle il y a quelques années le groupe pastiche de Genesis, The Musical Box, force est de constater que par le Hackett Band, le répertoire de Genesis a une autre allure car il lui est ainsi redonné la fraîcheur et l’allant qu’il avait sans doute il y a près de quarante ans (est-ce que je pleure à chaque fois ? Oui).

En fait, je trouve qu’il n’y a rien à jeter dans ses concerts, j’ai même apprécié le solo de batterie final sur « Clocks (The Angels of Mon) » alors que je trouve souvent l’exercice un peu vain. La seule chose pénible fut finalement de devoir rester assis, alors que j’étais tellement enthousiaste. J’ai fini par me lever à la fin pour m’appuyer contre un pylône et, isolé dans un coin, je me suis immergé dans « Firth of Fifth » avec la même intensité que celle que j’éprouvais, allongé dans le noir de ma chambre d’adolescent en écoutant « Seconds Out ».

Sébastien

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