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Human beans

« L’invasion des profanateurs de sépultures » Don Siegel (1956)

vendredi 16 avril 2010, par Sébastien Bourdon

Mon cavalier cinéphile habituel m’ayant abandonné pour une destination lointaine, c’est flanqué d’un ostéopathe géant que je me rendis à ma séance mensuelle de ciné-club audonien.

Autant révéler tout de suite la vérité, il n’y a pas de sépultures et donc personne ne profanera ces dernières. Le traducteur du titre n’y connaissait vraisemblablement rien, en langue comme en film. Il s’agit d’une histoire d’invasion de corps vivants (« body snatchers » en anglais) par des aliens, sans aucune transformation physique, mais avec une déshumanisation complète, indécelable au premier abord. Il s’agit d’un film de science-fiction, mais sans effets spéciaux ou presque, austère mais nerveux.

Le pitch : le héros, un médecin de ville, se rend compte du phénomène et tentera de stopper la progression de cette étrange épidémie. La transformation s’opère grâce à des plantes, des cosses géantes que les extra-terrestres devenus humanoïdes voudront répandre sur la planète. Une sorte de péril vert en somme, qui ne fut pas sans me rappeler les distributions de l’AMAP.

Le concept a fait florès, ce film ayant lui-même fait l’objet de trois remakes, dont deux bons (par Kaufman en 1978 puis Ferrara en 1993) et un mauvais (que je n’ai pas vu, mais comme si j’avais besoin de voir les films pour en penser quelque chose : par Hirschbiegel en 2007). Sans parler des films autour du concept, comme Invasion Los Angeles de John Carpenter (They live 1988).

L’opus a bien vieilli, seuls ont moins bien résisté au temps les ajouts opérés d’autorité par le studio, l’ouverture du film notamment. Cette dernière, explicative, renvoie ensuite le développement de l’histoire sous la forme d’un flashback. Il est intéressant d’ailleurs de constater que ce qui résiste le plus mal aux outrages du temps, c’est ce qui s’éloigne de l’idée première du réalisateur, ce qui trahit son esthétique et/ou sa pensée.

Le film est en tout cas passionnant à tous égards. L’on serait tenté de voir dans cette invasion subreptice et silencieuse l’obsession américaine de l’époque, la menace communiste pendant la guerre froide. Il n’en est semble t’il rien, le scénariste fut notamment visé par la chasse aux sorcières de Mc Carthy. L’on peut en fait calquer cette déshumanisation sur beaucoup de choses, sur ce qui devient épouvantable lorsque l’on cesse de s’intéresser à ses semblables et à ce qui se passe autour de soi. Au spectateur d’y accoler ce qu’il veut.

Après la projection, notre remarquable animatrice du ciné-club osa un parallèle somme toute assez juste. Alors que le héros fuit la meute lancée après lui, l’un des « transformés » déclare qu’il est inutile de s’inquiéter, « personne ne le croira ». Primo Levi racontait quant à lui qu’un SS avait dit peu ou prou la même chose à un détenu dans un camp de concentration.

Sébastien

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