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Hellfest - 21, 22 et 23 juin 2019

jeudi 27 juin 2019, par Sébastien Bourdon

A New Level (of Confidence and Power)

Premier Jour

Le TGV du jeudi, celui qui est déjà plein de vikings, permet une acclimatation toute en douceur et des rencontres le plus souvent sympathiques où chacun compare ses états de service lors des précédentes éditions. Une discussion impromptue et à bâtons rompus avec le président du tribunal de commerce de Nantes au bar du TGV nous fait bénéficier de la primeur d’une info qui va bientôt agiter le landerneau Hellfestien : l’annulation de la venue de Manowar.

En parcourant gazettes et dépliants, on découvre une des nouveautés de l’année : poursuivant sa quête du chaos organisé, l’équipe du Hellfest a fait peindre devant les scènes une signalisation pour guider les Wall of Death et autres circle pit. Après le pavage des fosses pour éviter la poussière, cette normalisation à outrance pourrait donner raison à ceux qui trouvent que « ce n’est plus ce que c’était ».

Mais ne jouons pas les « rageux » comme disent les jeunes, les nouveaux aménagements sont plus somptueux encore et l’herbe toujours verte (elle a même survécu au Knotfest qui s’est pour la première fois tenu la veille).

Après avoir fait un tour du propriétaire et entendu de près ou de loin des trucs plutôt moches, on se stabilise sur le punk des Dwarves. Des vieux qui jouent comme s’ils étaient jeunes, comme quoi c’est possible, et au Hellfest assez souvent.

On bifurque dans le style pour Uada, qui s’avère plus contemporain et nettement plus palpitant dans son mélange de styles brutaux. Il n’y a pas beaucoup d’air mais ça reste entraînant.

Retour aux amours de notre jeunesse francophone avec un impérial Lofofora sur la Mainstage. Reuno, galvanisé par la foule et un groupe bien affûté, harangue, sourit et danse. On réalise qu’on ne s’est pas trompé, musique et textes, on ne perd pas avec l’âge l’envie de défendre encore cet excellent combo.

Parole de sagesse du jour « Que m’importe de m’écraser pourvu que je décolle ».

« We are Power Trip, we’re from Dallas, Texas, and for the next forty minutes, you belong to us ». Le jeune groupe porte fièrement le drapeau d’un renouveau thrash groovy que n’aurait notamment pas renié Pantera, mais mâtiné d’une sauvagerie hardcore de qualité, on se dit qu’on a bien fait de venir quand on aime un tant soit peu la bagarre. On prend un organic Cola au bar et on va voir ça de plus près.

On glisse ensuite immédiatement sous la tente voisine pour remonter dans le temps et rejoindre l’Angleterre métallique de la fin des années 70 avec Diamond Head. Nous relevons que le batteur est pour l’instant le musicien le plus laid du festival. Sinon c’est plutôt bien, mélodique et propre. Le chanteur s’époumone comme au mitant des années 80 mais alors qu’il est le plus jeune, sa manière de chanter donne une impression de daté.

On parle ici d’un groupe qui, comme beaucoup, ne peut échapper à ses plus gros tubes, parce qu’il les a écrits certes, mais surtout parce qu’ils ont été immortalisés par Metallica (« Helpless » est pour l’occasion rebaptisée « Hellfest »). Il doit d’ailleurs forcément y avoir sous la bâche des gens pour penser que Diamond Head est un bon groupe de reprises de Metallica.

Ce sympathique show se termine avec une version fabuleuse de l’inévitable « Am I Evil » qui galvanisera l’audience et nous laissera pantois, encore frissonnants la dernière note achevée.

Sous la Valley, nouveau changement d’ambiance avec de la musique de drogués (oui, jusqu’alors ce n’en était pas) avec All Them Witches. C’est lourd, c’est lent, ça jamme comme à Londres dans les swinging sixties, mais ce n’est ni original, ni palpitant.

Évidemment Kvelertak ne pouvait être manqué, étant probablement le groupe contemporain le plus festif et dont les prestations ne déçoivent jamais (cf. chroniques précédentes).

Et règne alors la joie absolue dans le chaos, à peine interrompue un instant par une panne de son sur la batterie (dans un groupe qui compte trois guitares, c’est un souci).

Uncle Acid and The Deadbeats nous ramène le soir tombant sous la Valley. Voix que l’on croirait tirée du cercueil de John Lennon, mélopées que l’on pourrait imaginer accompagner une ballade nocturne de Jack l’éventreur, l’énergie vaguement morbide de ce groupe est assez séduisante et hypnotique. Peut-être juste un peu monocorde pour totalement emporter le morceau.

Ceux qui commencent tôt ne finissent pas forcément tard et les sombres efforts de Tom G Warrior sous bannière Hellhammer ne parviennent pas à nous convaincre de ne pas rejoindre nos pénates.

Deuxième Jour

On commence la journée avec les derniers morceaux de Dool (qui n’est pas un groupe de reprises doom de Tool). On aurait du arriver plus tôt, c’était bien et une fille qui chante et joue de la guitare ça change un peu.

Sous la Valley le duo Mantar (guitare batterie) se révèle particulièrement coriace. Le batteur ressemble à mon fromager sous stéroïdes et on réalise qu’un concert au Hellfest se reconnaît à ce que les toms sonnent plus forts que la caisse claire. Quant à l’autre membre du duo, son growl et son jeu de guitare est inversement proportionnel à son physique de gringalet.

Un trio viendra ensuite occuper l’herbe devenue beaucoup moins verte de la Valley, Sumac. Beaucoup plus expérimenté, sa musique tortueuse ne se laisse pas facilement domestiquer.

En attendant Deadland Ritual, on écoute un peu de rock allemand. L’ouverture avec une efficace reprise du « Symptom of the Universe » de Black Sabbath permet de constater que la rythmique est formidable Geezer Butler et Matt Sorum), mais le style daté et la permanente du guitariste Steve Stevens (Billy Idol) et le côté ultra poseur du chanteur sabotent un peu (alors qu’il faudrait que ça Sabbath ahahaha). Tout cela est plaisant, ne serait-ce que pour voir Geezer Butler dans ses œuvres (qui forme avec Matt Sorum une rythmique de rêve), mais guère plus.

Repli sous la Valley pour la sauvagerie intelligente de Cave-In. On sent un public plus posé, type lecteur de New Noise, mais étant soi-même un fidèle de la revue, on ne va pas critiquer cette manière attentive d’écouter la musique.

Face à l’offre pléthorique, on se sent perdu entre soif et faim de nourritures terrestres ou de poursuite de recherches musicales. The Ocean l’emporte au dernier moment sur Candlemass, le Hellfest, c’est comme la vie, il y a des choix à faire. On qualifie leur musique d’atmosphérique post-rock, et on peut leur reconnaître une certaine aptitude à promener leurs notes en volutes sinueuses.

Ne se résignant pas à complètement manquer Candlemass, on quitte la Valley sans regrets pour rejoindre l’Altar. Le vent frais de la campagne anglaise, celui qui souffle dans les films de la Hammer, rafraîchit jusqu’au frisson. Soyons quand mêmes iconoclaste, cela reste du Black Sabbath en moins bien.

Def Leppard n’a plus grand chose de mordant, mais ils font le job et ce d’autant qu’une fois n’est pas coutume, leur setlist est variée et certains de leurs tubes en or massif font toujours plaisir à entendre.

Toutefois, cette manière de jouer comme à Las Vegas ne fonctionne pas forcément toujours très bien au soleil couchant dans la banlieue de Nantes, surtout quand on enchaîne autant de ballades sirupeuses, où l’amour et la haine s’entrechoquent, où l’amour mord et frappe, sans parler de ce besoin de ramener son cœur brisé (à tout bout de champ, normal on est à la campagne).
ZZ Top - dont le double Z évoque aujourd’hui plus sûrement le ronflement - s’écoute sans déplaisir, en attendant de voir une énième fois Kiss et d’avoir à nouveau 10 ans (48 sans maquillage).

Après toute cette langueur bluesy Kiss aura la tâche facile. Quand bien même, c’est un groupe des grands jours, décidé à donner beaucoup aux festivaliers. Pas une once de sobriété dans le show, des flammes, des feux d’artifice, des lumières et des musiciens qui s’envolent dans les airs. L’équilibre du festival repose aussi beaucoup sur ces friandises bigger than life qu’offrent les grands anciens.

Il parait que c’est la fin de la route pour nos héros maquillés, qu’ils soient remerciés, on a adoré le voyage.

Troisième Jour

Le sol des Mainstage est encore jonché des confettis du concert de Kiss de la veille mais c’est une toute autre ambiance qui se joue sur scène avec le thrash particulièrement puissant et vitaminé de Death Angel. S’ils ne révolutionnent pas le genre, ils le maintiennent au frais, compositions et sonorités ne semblant jamais datées.

La température approchant déjà les conditions de la fournaise, un rapatriement sous tente s’impose et ce d’autant que YOB se produit sous la Valley. Ils ne sont que trois, mais assènent une musique sacrément pesante.

Pour savourer Clutch, il faut se fader préalablement les épouvantables Trivium et leur variété déguisée en gros méchant métal.

Nonobstant une chaleur écrasante le blues métallisé des Clutch déchaîne la foule, qui danse et slamme. Prévenant, le personnel du Hellfest prend soin d’arroser la foule avec une lance à incendie.

On s’inquiétait inutilement sur la capacité du groupe à remplir un tel espace. Ce concert absolument démentiel nécessitera de s’offrir un temps de repos, nous obligeant à renoncer à Testament (mais le groupe est là tous les deux ans, en alternance avec Exodus).

Groupe que nous n’avons jamais réussi à voir dans nos jeunes années et pourtant énormément écouté, Stone Temple Pilots investit la Mainstage. La musique offerte est ici nettement plus pop et s’avère pourtant ne pas manquer de tranchant.

Ce combo a également pour caractéristique d’enterrer ses chanteurs, pas moins de deux à ce jour (le formidable Scott Weyland et le plus anecdotique Chester Bennington). La voix de l’actuel chanteur semble sortie de la tombe de Scott Weyland. Fermons les yeux pour avoir à nouveau 20 ans et des poussières, mais de celles qui se logent dans les yeux et font un peu pleurer.

Anthrax ramène le thrash au coeur des débats, se payant le luxe de commencer par les premières notes d’une reprise, celle de « Cowboys from Hell » de Pantera. Tout le reste est à l’avenant, le chanteur Joey Belladonna n’est que sourire et enthousiasme, manifestant une joie d’être là forcément communicative.

Évidemment et surtout pas en ces lieux, la reprise de Trust, « Antisocial », s’impose et sonne comme la joie d’être réuni pour un peuple en colère. Et quand est venue l’heure de pleurer les indiens (« Indians »), nous avons tous rejoint la danse de guerre.

Lynyrd Skynyrd fait un peu trop saloon poussiéreux après la furie Anthrax, on préfère rejoindre Phil Anselmo qui se remet justement au Pantera. Son groupe - The Illegals - est loin d’être affûté comme l’était celui des frères Abbott, et Phil, de son côté, n’est plus vraiment capable de chanter, se contentant de vociférer efficacement. Nos réclamations pour « Cemetary Gates » ne pourront donc vraisemblablement pas aboutir.

Mais qu’importe, l’enchaînement des tubes du combo disparu rend littéralement fou de joie le public qui saute en tous sens. L’occasion de s’époumoner sur ces hymnes n’est pas si fréquente (« Walk », « Becoming », et autre « Fuckin’ Hostile ») et produit un moment de joie collective chimiquement pure.

Le caractère un chouïa monolithique de la musique de Cannibal Corpse nous rebutant au bout de quelques titres, on se rapproche de la Mainstage pour faire nos adieux à Slayer. En attendant, Slash, Myles Kennedy et ses « conspirateurs » nous infligent un rock daté, ennuyeux et plat au regard des extraordinaires expériences sonores de la journée.

Slayer nous fait paraît-il sa dernière pirouette. On verra bien, mais en attendant cela donne une set-list bien plus variée que d’habitude et où se télescopent les classiques habituels à des choses plus récentes qu’on avait peu ou pas assez entendues. Cette sensation de nouveauté, assez rarement ressentie dans un concert d’un groupe qu’on a vu des palanquées de fois, donne une des meilleures prestations de Slayer que l’on ait vue de longue date (et pourtant sans Dave Lombardo).

Lorsque vient le moment de saluer le public et que le groupe quitte la scène, on réalise mélancolique que nous entrons dans un monde sans concerts de Slayer.

Tool a été longtemps attendu (douze ans) mais au regard de la distance entretenue avec le public durant le show, l’intérêt du live finit par presque nous échapper. Ainsi, le groupe est avare de mots, n’est pas filmé, quand les voir de temps en temps sur écran faciliterait l’impression d’en être. Ce que l’on ne peut pas ôter à la prestation est la beauté de sa mise en images et l’éternelle excellence de leurs compositions aussi admirables qu’étranges.

Ce spectacle contemplatif offert à 60 000 festivaliers se révèle donc assez peu accrocheur, même pour des fans de toujours comme votre serviteur (qui n’a de sucroit plus tellement de jambes à cet horaire avancé de la nuit du troisième jour). Puscifer et A Perfect Circle s’étaient révélés plus convaincants en ces mêmes lieux les deux années précédentes.

En marchant dans la nuit noire jusqu’à notre véhicule si loin garé, on se remémore cet article relativement récent lu dans Le Monde : il paraitrait que la guitare ne serait plus à la mode. Je ne sais pas, mais je crois qu’on s’en fout non ?

Sébastien Bourdon

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