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« L’Avare » de Molière, mis en scène par Catherine Hiegel – La Comédie Française

mercredi 3 avril 2013, par Sébastien Bourdon

De tous les humains, l’humain le moins humain

La mise en scènede Catherine Hiegel, par ailleurs sociétaire de la Comédie Française, repose sur un concept assez réjouissant, l’Avare de Molière est «  le personnage heureux d’une farce horrible ». Harpagon ne se consume que pour son argent, qui lui sert de substitut pour à peu près tout, délaissant toutes les tendresses, celle de ses enfants notamment, mais de manière générale, il ignore toutes les joies terrestres, de la bonne chère à la chair. Sa seule joie, la monnaie sonnante et trébuchante, et il danse et chante pour la célébrer. « Il fête son argent  » dixit Catherine Hiegel.

Evidemment, tel un amoureux transi, il a l’affection inquiète, loin de ses sous, il s’angoisse et même, lorsque finalement brutalement privé de ces derniers, il devient fou à lier.

Cela ferait un peu lieu commun de s’exclamer que cela n’a pas pris une ride, mais en ces temps de course mondiale avide, cet appétit pour l’argent nous parle encore, et sans doute pour longtemps encore.

Denis Podalydès est comme toujours impressionnant, à chaque apparition, il dévore l’espace, et évite habilement de sombrer dans une interprétation poussiéreuse de cette pièce dont la première date tout de même du 9 septembre 1668. L’acteur principal est d’ailleurs tellement exceptionnel que ses acolytes peinent un peu à trouver leur place sur scène. Ce n’est pas franchement un cadeau que de jouer un valet ou une servante à côté d’un tel animal. Par son jeu, l’acteur nous rappelle d’abord combien la pièce est drôle (il m’a semblé distinguer quelques clins d’œil à Louis de Funès, qui interpréta Harpagon au cinéma). Mais il ne manque également pas d’être littéralement effrayant, s’inspirant de son incarnation de Mister Hyde. A l’âme sèche du personnage principal de la pièce de Molière, il ajoute la possibilité d’une folie dangereuse.

Ainsi, lorsque la célèbre cassette disparaît, il apparaît le visage peint de noir et va jusqu’à quitter l’avant-scène pour marcher sur les spectateurs, brisant la frontière qui nous séparait du spectacle, qui nous protégeait d’une invasion du réel par la fiction. Franchissant donc un presque tabou, il nous fait certes encore plus rire, mais en réalité on appréhende que ses pas ne le mènent jusqu’à nous, effrayés que nous sommes par ce personnage littéralement fou, comme possédé. Argent, quels crimes pourraient en ton nom être commis ?

Sébastien Bourdon

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