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« Gran Torino » de Clint Eastwood

vendredi 27 mars 2009, par Sébastien Bourdon

De quoi parle-t-on ? D’un western déguisé en chronique banlieusarde contemporaine, un film humaniste, plein de mélancolie et de drôlerie. Eastwood filme la mort de l’Amérique et le pire, c’est qu’il ne semble pas considérer que cela soit très grave. Il s’agit de filmer un passage à témoin, comme s’inscrivant dans l’ordre des choses. Dans la même logique, le propre effacement de Clint et de ce qu’il a interprété est parallèlement mis en scène.

Il a fallu à peine un mois à Eastwood pour pondre ce qu’il qualifie de petit film (à juste titre). C’est élégant, superbement photographié, relativement intelligent et plus ou moins fin. C’est vrai que c’est un petit film, mais avec beaucoup de choses dedans. Le spectateur pourra ainsi admirer comment le réalisateur surfe sur un scénario qu’il n’a pas écrit, tentant d’ échapper à toutes les chausse-trappes du scenario, de la religion aux armes notamment.

Walt Kowalski est vieux, fatigué d’une vie de labeur, blue collar chez Ford, vétéran de la guerre de Corée. Plus de famille dans la mesure où l’incommunicabilité s’est faite par trop envahissante, et surtout une misanthropie qui semble définitivement installée dans ce corps de vieil homme.

Ce type plein de mépris pour l’autre parce que trop fragile pour se prendre à aimer est d’autant plus touchant qu’il fut très fort physiquement, comme solidifié par ses armes et outils. Il y a des restes, des beaux, mais le temps est un traître contre lequel toute tentative de vengeance est définitive.

Il est évident qu’un bon scenario doit bousculer un tel personnage, et Eastwood n’est pas homme à épargner les personnages de ses films et il fait ici un joli clin d’œil à sa légende en refusant une violence trop prévisible.

Parlons de Clint, l’acteur. Depuis Sur la route de Madison, l’homme se filme vieillissant, c’est un projet cinématographique et artistique à soi seul. Son corps qui a envahi nombre d’écrans, nous laissant invariablement cette sensation de force (quoique souvent blessé et meurtri cf. Les proies de Don Siegel, sommet de masochisme), est, au fur et à mesure des films, de plus en plus marqué, comme encombré du temps qui passe.

L’acteur épouse sa propre existence et l’intègre, sans égotisme ni forfanterie, mais avec une visible jouissance. Ok, je suis vieux, tous les jours de plus en plus, mais je vous démontre comment on peut en faire quelque chose de pas moins intense (cf. « Créance de Sang  »).

Ici, il se plaint, souffre, tempête contre cette chienne de vie, trimbale avec un fatalisme finalement rageur son âme presque morte au combat en Corée. Eastwood, avec cette économie de gestes et d’effets, est, c’est selon, bouleversant ou hilarant. Le son qui émane de lui, la voix blanche, les grondements et râles nous emmènent de l’autre côté de la jeunesse avec une rare intensité. On lit sur son visage parcheminé la violence et l’amour comme dans un livre.

Walt Kowalski est dressé sur son perron, il fume et boit des bières, regarde se livrer à diverses activités de manutention son protégé de voisin. Parfois, on imagine un Eastwood qui nous regarderait de loin dans l’agitation de nos journées, peut-être y trouverait-on un réconfort, une force supplémentaire.

Sébastien Bourdon

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