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Art is Truth

Steven Wilson, le Bataclan, le 26 octobre 2011

jeudi 27 octobre 2011, par Sébastien Bourdon

Dès l’entrée dans la salle, sans que le concert ait commencé, le concept est d’attirer progressivement le public vers la scène, vers ce qui va s’y passer. Les lumières ne sont pas éteintes, mais semblent s’estomper petit à petit, tandis que monte un son étrange des enceintes. L’estrade scénique est faussement masquée par un rideau transparent, derrière lequel les musiciens vont progressivement s’installer à leurs places attribuées.

C’est ainsi que le concert s’ouvre par l’arrivée du batteur qui commence à jouer, seul, des rythmes orientés vers le jazz. Comme le disait Bertrand, « si ça commence par un solo de batterie, c’est bien, comme ça on sait qu’il n’y en aura pas un autre. »

Les autres membres du groupe se placent, puis Steve Wilson entre, anglais maigrichon à petites lunettes et cheveux jusqu’aux épaules, avec une allure d’éternel étudiant, nonobstant ses quarante printemps dépassés. Il mènera le concert, alternant guitares et claviers, dirigeant, mais se laissant également porter par son impeccable orchestre (claviers, sax-flûte, batterie, guitare et basse-stick). On notera au poste de bassiste, le formidable Nick Beggs, vu et entendu chez Steve Hackett il y a à peine quelques jours. Ce type a un charisme fou et fait preuve d’une musicalité extraordinaire. Au surplus, assurer simultanément deux tournées de deux artistes différents, versant chacun dans une musique complexe, impressionne nécessairement sur les capacités hors normes de ce garçon.

J’évoquais l’autre jour le retour du progressif, la musique de ce soir confirmera largement l’impression donnée par l’album : on est ici dans un univers hanté par King Crimson (« Red » surtout) et Weather Report, le tout trempé dans un désespoir sonore et moderne (quelques boucles électro notamment). Parce que Steven Wilson n’a pas son pareil pour composer de la musique dépressive. La mélancolie, il faut le redire, quand elle nous tient, ne nous lâche pas. Le leader de Porcupine Tree, encore plus qu’avec son groupe habituel, laisse en solo sa musique aller vers de plus sombres territoires.

Il n’est de ce fait pas forcément évident de rentrer dans cette musique à la fois cérébrale, compliquée et gaie comme un sanglot (« Track One » en est une belle illustration). Mais Wilson a aussi une capacité surprenante à composer des mélodies presque « radio friendly » qui, sans être totalement enjouées, au moment de l’envol nous font littéralement frissonner de béatitude (« Deform to Form a Star », dont les chœurs sonnent quasiment comme du Brian Wilson).

Le rideau précédemment évoqué, derrière lequel resteront un temps les musiciens, servira d’écran à la projection d’images fantomatiques. Lorsqu’il tombera, c’est en fond de scène qu’apparaîtront encore ces flashs visuels, tenant tout à la fois de la photographie contemporaine et des cauchemars du cinéma de Murnau ou Wiene.

Si par instant, la musique pourra nous donner l’impression d’être au Duc des Lombards, il s’agit tout de même d’un concert de « prog », dans la plus pure tradition du genre. C’est ainsi qu’après plus d’une heure de concert d’une musique déjà exigeante, le groupe se lance dans le morceau de choix du dernier opus, « Raider II », qui compte tout de même plus de 23 minutes. Une fois encore, on est emporté dans une musique aux changements radicaux d’atmosphère, toujours parfaitement maîtrisée. Rien n’est toutefois vain, cela ne relève pas de la démonstration de compétences techniques. Il s’agit surtout de jouer juste, avec une place laissée à chacun dans un très bel ensemble.

Lorsqu’à la fin d’un concert qui aura duré plus de deux heures, nous en réclamerons encore, Steven Wilson, viendra très simplement nous dire qu’ayant joué tout leur répertoire, ils ne pourront revenir, mais qu’ils nous remercient pour notre bel enthousiasme.

Nous avons fini attablés dans un bar qui fait l’angle (et sûrement d’autres choses encore) avec un mojito aux fruits rouges, après tout ce raffinement, cela s’imposait sans doute plus qu’une bière.

Sébastien

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